Veilleur du lieu

Avec Daniel Kurmaluk, sculpteur, Umiujaq, 26 janvier 2023

Tu m’accueille chez toi, là où entre tes mains la matière devient alchimie et reprend vie sous une forme nouvelle. Tu ne me l’a pas demandé, mais tout de toi demande respect pour ton espace et ton histoire que tu me partage avec humilité et générosité. Une défense de morse se transforme en deux anneaux, d’une pureté et d’une douceur qui me rappelle la peau du ventre de celle à qui l’un d’eux est destiné. En peu de mots tu as compris tout l’amour que je mets dans ma demande et tes yeux s’en sont illuminés. Ensemble, en quelques instants, nous avons visité nos temples et créé un pont entre des univers que l’histoire a tant voulu séparer. Nous n’avons pas besoin de parler de ça. Nous le savons, dans notre poignée de mains sincères au temps des aurevoirs..

 » Celui qui a fait un travail a quelqu’un qui veille. Et celui qui veille sur ce lieu, qui le gère, n’est pas le même que celui qui peut prier ou sacraliser certaines choses. Parce que si je donne la gérance de ce lieu à ma partie monacale, à la partie mystique en moi, il va arriver des accidents. Parce que cette partie mystique, suivant sa loi, ne va s’occuper que de mystique, ne va faire que ça, et elle ne se rendra pas compte qu’elle introduit dans l’organisme des toxines qui ne seront pas évacuées facilement. Et lorsque les dégâts surviennent, évidemment, on arrête le travail, on arrête tout ! Soyez humble. Faites un travail qualitatif et non quantitatif. Vous ne pouvez pas travailler avec le quantitatif.  » ( Ansa, p.80 )

Mon incarnation transporte une histoire dans laquelle, au nom de l’ouverture, j’ai laissé entrer tout et n’importe quoi. Par souci d’équité des expériences, d’équanimité pour les êtres, j’ai nié les besoins du sacré en moi qui demande de discerner entre ce que je visite et ce qui me visite. J’ai laissé la porte grande ouverte. Aujourd’hui, j’ouvre aussi les fenêtres, pour que la poussière des expériences et rencontres intoxicantes passées puissent s’évacuer aux grands vents et que mon temple retrouve sa pureté originelle. Dans ce lieu renouvelé, aux effluves d’encens et de sapinage, je peux maintenant accueillir celui ou celle qui respectera mon territoire intérieur. Dans cette exigence, je respecte aussi mon invité. Je nous offre valeur et reconnaissance. Je te vois. Tu me vois. Bienvenue chez moi.


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