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Baleine Bleue

  • Sur l’épaule de la montagne

    octobre 25th, 2023
  • Je m’offre à moi qui s’offre à toi

    février 7th, 2023

    Je donne plein pouvoir à toutes mes parties, ce lieu qu’est mon corps sensible et qui demande mon attention. Non pas une « attention ordinaire, vagabonde, mécanique et soumise à n’importe quelle influence » (Ansa, p. 145). J’invite ma partie la plus noble, celle qui n’a pas le souci de vouloir conquérir le monde extérieur, celle qui ne veut pas. Celle qui ne veut rien. Celle qui existe pour le simple plaisir d’exister. Parce que c’est bon. Quand je lui donne autorité, mon corps devient mon territoire, le champ expérientiel privilégié de mon passage sur terre. Alors « je » n’ai plus à offrir de « moi » que ma main chaude sur ta peau et une fleur au creux d’un coquillage. « Je » ne suis que la poitrine sur laquelle se dépose ta tête, mon cœur battant sous ta douce chevelure étendue. Je suis ma respiration. Sur mon torse qui monte et descend, tu es mon inspiration, le chaînon dans le vivant pour mon bras de guerrier, ma colonne de roi, mon ventre de magicien et mon sexe d’amant. Je m’offre à moi qui s’offre à toi. Un cadeau de la vie dans les sens, à ne plus négliger. Une attention partagée entre la sensation intérieure et ce qui appelle à l’extérieur, sans jamais m’oublier. Car c’est dans ce rappel constant à mon souffle que mon amour pour toi est pur. C’est dans ce rappel que je peux regarder au loin, confiant et entier, éclaireur désintéressé de nos devenirs.

     » Si vous ne pouvez pas tenir la sensation globale du corps, tenez celle de votre main, de votre pied, de votre jambe ou du visage.  » (…) La division de l’attention, qui conduit au rappel de soi est la clé d’un travail efficace. (Ansa, p.148). (…) Il s’agit d’introduire à l’intérieur de soi-même, la nécessité d’une présence à soi, parce que c’est absolument indispensable. (p.149)

    Et n’oubliez pas de nettoyer ce travail de tout mysticisme, de tout ce côté sacro-je-ne-sais-quoi que vous adorez mettre partout. Faites-le simplement parce que c’est bon pour vous et que cela vous plaît. (…) Un travail intérieur vous permet de sortir d’un état passif pour entrer dans une accélération consciente, voulue, choisie. C’est un travail très délicat à faire parce qu’il demande que vous choisissiez en vous un élu. Quelqu’un en vous qui n’est pas celui qui se croit le plus intelligent, qui n’est pas celui qui cherche le pouvoir, le savoir et l’avoir. Cet élu ne peut être qu’un personnage simple, humble, qui ne connaît rien, qui ne peut rien et qui n’a rien. C’est avec cette partie-là, en vous, que vous devez faire le travail. (p.150)

    On a alors le choix. Soit je détermine en moi un élu, une partie noble à l’intérieur de moi-même à qui je confie ma détermination de faire un travail et qui va se mettre à faire ce travail, qui va me pousser à le continuer ; soit je continue à me comporter comme un proxénète, comme un colonisateur, comme un conquérant qui dévaste tout sur son passage, ne suivant que son avidité de vouloir s’approprier tout ce qu’il peut, de vouloir conquérir toujours plus de pouvoirs afin de mettre les autres, son environnement et tout ce qu’il touche a son propre service. Vous avez le choix. (p.151)

  • Mourir et renaître

    février 4th, 2023

    Ivujivik, 4 février 2023

    Plus rien. L’identité disparue. Le  » je  » anéanti par la perte de mes repères. La vie qui m’éclate en milliers de petits morceaux de miroirs me renvoyant le reflet d’autant de constructions accumulées. Agenouillé devant l’immensité de la beauté du territoire, assis au milieu de mon désastre, je n’ai plus que mon corps. Alors je pratique. Je pratique le sentir. Me sentir. Un membre à la fois. Pied, main, épaule, oreille, nez, jambe, bras, nuque, front, visage, bouche, poitrine, ventre et pubis. Puis tout le corps. Jusqu’à ce que, depuis mon cœur, jaillisse une rivière dorée. Qu’elle se répande tout naturellement en moi et dans chaque cellule de mon être. Puis le long de ma colonne vertébrale. Un chemin qui suit ma respiration profonde. Mes sens s’éveillent et avec eux la conscience et la reconnaissance d’un amour qui émane, comme un pulsar lumineux, sortant de ma poitrine, se diffusant autour de moi et revenant en moi, par le dessus de ma tête et mes pieds. Dans ce cycle en continu, j’envoie cette lumière qui me réchauffe et me réconforte et elle me revient encore plus riche, plus douce et scintillante de vie.

     » Ne vous éloignez pas de la sensation, précisa-t-il, sentez votre corps quoi que vous fassiez.. gardez toujours une partie de votre corps éveillée par la sensation, que ce soit la main ou le pied. Elle va être votre ancre, une ancre qui vous permet d’être présent à vous-même et de ne pas flotter dans l’air..  » (Ansa, p.141)

    C’est à travers cette perception que je n’ai plus rien, que j’ai n’ai nul part où habiter, que j’ai n’ai pas de racines ni de refuge, plus aucune identité, qu’émerge en moi cette évidence du retour. Ou plutôt ce lâcher prise par la force des choses. Comme au moment de l’évidence de la mort qui est là, toute proche. Je meurs à moi-même. Dans cette mort, ne reste plus que le retour à la pratique de la plongée profonde dans mon corps. Entouré d’eau et de silence, j’écoute. Ma vie me répond à chaque respiration :  » Tu n’es pas encore mort « . Apparaissent alors des visages souriants, des gens qui m’entourent. Mon amoureuse et son regard lumineux. Ohh que je t’aime belle femme extraordinaire ! Puis mes enfants, mes ami.es, les gens que je rencontre ici, là-bas. Ohh comme c’est riche !!

  • Je cherche ma maison

    février 1st, 2023

    Akulivik, 1er février 2023

    Je ne suis que de passage. Eux restent et je poursuis ma marche. Mes empreintes éphémères dans la neige. Le chemin, devant, disparaît dans le blizzard d’un avenir incertain. Eux restent, ancrés, habités du territoire, riches d’une culture millénaire. J’avance à l’aveugle et reprend la mer. Mes voiles seules connaissent la destination. Je cherche ma maison. Eux feront encore des enfants, à l’abri des vents. Ils n’ont pas perdu leur langue, même si on a tout fait pour la leur couper. Ils auront encore à qui transmettre leur histoire. Je cherche ma maison, mon histoire et mes raisons. Le foyer où me réchauffer. Un endroit où retourner, après mes errances.

    “La connaissance progresse en intégrant en elle l’incertitude, non en l’exorcisant.”
    – Edgar Morin, La méthode

    Ce thème, de la maison, des endroits à habiter, n’est pas que métaphorique pour moi. Je peux cultiver mes espaces intérieurs, habiter ma corporalité en conscience et nourrir mes besoins affectifs d’impressions. Il reste que le territoire bien tangible, celui sur lequel me reposer et qui devient une référence, un repère, est une quête qui m’habite. J’ai développé, au fil des années à côtoyer la nature, une relation d’amour avec le vivant sensible des espaces du dehors. J’ai incorporé un lieu qui n’a pas d’adresse et je peux m’y retrouver, n’importe où vibre cette nature. Mais j’aspire à me déposer dans un endroit où bâtir, malgré mon âge qui avance. Bâtir et créer du sens avec. Avec celle que j’aime, un foyer, un petit poêle à bois qui chauffe à feu doux d’amour et auquel je peux rêver lorsque, dans mes nomadismes, la solitude me demande de me relier à la base, l’endroit où je suis chez moi. Mon endroit. Mes gens (au sens traduit de  » My People  » ). Notre maison.

    En écrivant ces mots, eux m’apparaissent. Eux qui restent. Je suis chez eux, n’importe où je poserai ma pierre de fondation. En territoires non cédés.  » My People  » . Qui sommes nous ?

  • De mon corps vers …

    janvier 31st, 2023

    Akulivik, par la fenêtre de ma chambre, 27 janvier 2023

    Des notes de musique parcourent mon corps. En moi monte, depuis mon ventre, une douce mélodie nomade. Des sons venus de mes cellules, comme des étoiles dans le ciel. Elles scintillent, se rencontrent et se caressent les unes et les autres. Elles vibrent comme les cordes d’une guitare qui s’unissent sous l’intention de mes doigts. Comme la baleine appelant les siens, elles produisent un chant unique, des ondes parcourant mes océans. Mes particules dansent comme une aurore boréale dans mes cheveux. Je frissonne de joie, pure jouissance d’être. Je laisse entrer en moi les sensations, les impressions et je les retourne au monde qui me les retourne à son tour. Et ensemble, extérieur et intérieur, nous nous multiplions d’amour.

     » Quand on plonge dans le corps, on découvre à l’intérieur quelque chose qui est comme un bijou qui prend l’esprit et la forme.  » ..  » Mais nous sommes dans une société qui nous a fait croire que plus on sait, plus on est. Or c’est l’inverse. C’est cela, le grand problème. Vous croyez que, sachant des choses, vous êtes ces choses. Non, sachant ces choses, vous ne faites que vous identifier à votre partie cérébrale, mais vos parties émotionnelles et physiologiques ne participent pas. Vous n’habitez qu’une petite partie de vous-même. » ..  » La Voix du sentir est ailleurs. On a débranché le circuit du néocortex avec la pensée déductive et inductive, avec la comparaison, l’accumulation, la possession, la compétition, c’est -à -dire tout ce qui constitue votre personnalité individuelle et égoïste, et on branche son attention dans le monde biologique. Là, on ne demande rien. On lâche prise à toute demande, à toute attente. On se met en état d’amour.  » (Ansa, (p.131).

  • Veilleur du lieu

    janvier 31st, 2023

    Avec Daniel Kurmaluk, sculpteur, Umiujaq, 26 janvier 2023

    Tu m’accueille chez toi, là où entre tes mains la matière devient alchimie et reprend vie sous une forme nouvelle. Tu ne me l’a pas demandé, mais tout de toi demande respect pour ton espace et ton histoire que tu me partage avec humilité et générosité. Une défense de morse se transforme en deux anneaux, d’une pureté et d’une douceur qui me rappelle la peau du ventre de celle à qui l’un d’eux est destiné. En peu de mots tu as compris tout l’amour que je mets dans ma demande et tes yeux s’en sont illuminés. Ensemble, en quelques instants, nous avons visité nos temples et créé un pont entre des univers que l’histoire a tant voulu séparer. Nous n’avons pas besoin de parler de ça. Nous le savons, dans notre poignée de mains sincères au temps des aurevoirs..

     » Celui qui a fait un travail a quelqu’un qui veille. Et celui qui veille sur ce lieu, qui le gère, n’est pas le même que celui qui peut prier ou sacraliser certaines choses. Parce que si je donne la gérance de ce lieu à ma partie monacale, à la partie mystique en moi, il va arriver des accidents. Parce que cette partie mystique, suivant sa loi, ne va s’occuper que de mystique, ne va faire que ça, et elle ne se rendra pas compte qu’elle introduit dans l’organisme des toxines qui ne seront pas évacuées facilement. Et lorsque les dégâts surviennent, évidemment, on arrête le travail, on arrête tout ! Soyez humble. Faites un travail qualitatif et non quantitatif. Vous ne pouvez pas travailler avec le quantitatif.  » ( Ansa, p.80 )

    Mon incarnation transporte une histoire dans laquelle, au nom de l’ouverture, j’ai laissé entrer tout et n’importe quoi. Par souci d’équité des expériences, d’équanimité pour les êtres, j’ai nié les besoins du sacré en moi qui demande de discerner entre ce que je visite et ce qui me visite. J’ai laissé la porte grande ouverte. Aujourd’hui, j’ouvre aussi les fenêtres, pour que la poussière des expériences et rencontres intoxicantes passées puissent s’évacuer aux grands vents et que mon temple retrouve sa pureté originelle. Dans ce lieu renouvelé, aux effluves d’encens et de sapinage, je peux maintenant accueillir celui ou celle qui respectera mon territoire intérieur. Dans cette exigence, je respecte aussi mon invité. Je nous offre valeur et reconnaissance. Je te vois. Tu me vois. Bienvenue chez moi.

  • Nos âmes embrassées

    janvier 31st, 2023

    Rive de la Baie d’Hudson, Umiujaq, 25 janvier 2023.

    Mon navire s’arrête sur la banquise, figé par les glaces, le temps de n’être plus dans le temps. Le temps d’occuper les espaces, intérieur et extérieur, dans un mouvement constant, une danse qui me rappelle le vas et viens des vagues de l’amour. Il y a un début et une fin, mais ce n’est pas moi.  » Je  » n’existe pas dans la temporalité. Le printemps viendra, les glaces vont libérer le véhicule de mes devenirs. Ce sera. Mais maintenant, ici, je me laisse fondre en nous. Je m’imagine nos corps réunis, enlacés de chaleur. Nos âmes embrassées au-delà, bien au-delà du temps et des saisons

  • Étincelles d’espérance

    janvier 31st, 2023

    Rive de la Baie d’Hudson, Umiujaq, 24 janvier 2023.

    Une famille unie dans une maison chaleureuse. L’écho du rire des enfants dans la vallée. Des amoureux faisant des projets, les regards allumés d’étincelles d’espérance. Une communauté bienveillante et apprenante. J’habite une douce nostalgie d’un idéal de reliances humaines. Et s’il était à construire dans le réel, humblement, à la conjoncture du passé et de l’avenir? Un rêve éveillé, au présent, dans la reconnaissance de ce qui est déjà là depuis longtemps et qui m’appelle depuis toujours. Là, autour de moi, tout est là qui ne demande qu’à être cultivé, dans l’amour.

     » L’être n’a pas peur, votre pied n’a pas peur, c’est votre personnalité qui a peur, parce qu’elle n’a pas confiance en elle-même. C’est normal puisqu’elle s’est construite sur des chocs et des conflits issus de l’enfance. C’est de là que vient aussi cette susceptibilité à fleur de peau dans laquelle vous trempez du matin au soir. Parce qu’on se vexe à la moindre occasion, pour un rien. Et cette susceptibilité, ce narcissisme, ce manque de confiance en soi créent la peur. On a peur de l’autre. On a peur de sa réaction, de ce qui va se produire si on dit ceci ou cela. Et la peur ne peut pas vivre aux côtés de l’amour. Ce sont deux mondes opposés. L’être, lui, baigne dans l’amour, dans la relation d’amour. Il s’appelle  » oui « . En lui, il n’y a pas de  » non « . La personnalité contient le oui et le non, mais l’être ne contient que le  » oui « , il ne peut pas choisir. Il n’est que pur amour pour tout. Il est prisonnier de son immanence d’amour.  » (Ansa, p.231)

    Aujourd’hui, ma personnalité fait le choix de laisser parler mon être. Aujourd’hui je dis oui à l’amour. Parce qu’il porte la promesse d’une délivrance instantané au moment même où je l’invoque. Il jaillit de mon ventre vers mon cœur dans un torrent, un doux nectar qui traverse chacune de mes cellules. Aujourd’hui je dis oui à l’immanence de mon être. En moi et dans le monde. Tonglen à chaque instant, naturellement, sans effort.

  • Le passage

    janvier 31st, 2023

    Rivière Grande Baleine, Kuujjuarapik, janvier 2023

    Entre mon corps et mon esprit, une grande cicatrice, une faille, une rivière de blessures traverse mon cœur. Je cherche le passage, sur les glaces de l’hiver, qui me permettra de relier les berges de mes forces vibrantes. Cet endroit, en moi, où le troupeau de caribous passe dans un nuage joyeux de neige folle

  • Dans mon ventre

    janvier 31st, 2023

    Baie d’Hudson, Kuujjuarapik, janvier 2023

    Là, aux abords des glaces de la Baie d’Hudson, une sensation nouvelle. Le vent, le son de la neige qui craque sous les bottes. Je marche, je regarde, j’écoute et je rencontre le lieu. Je le laisse entrer en moi. Douce euphorie. Je ne cherche pas à comprendre. J’accueille.

     » C’est pour cela que je vous parlais d’une vie autonome et que l’on devient le lieu de cette vie. Là, l’identité personnelle, égotique, disparaît, mais je continue à m’appeler Luis Ansa, en première instance. En deuxième instance, si vous me demandez :  » Qui êtes-vous ?, je vous répondrai :  » Rien « . C’est mon luxe de n’être personne, d’être un simple lieu, un lieu de réception.  » (p.78).  » Ce lieu, volontairement déterminé par moi-même, volontairement pratiqué, créé, formé, géré, nourri, protégé, ce lieu dans lequel je ne suis personne à l’intérieur, c’est ce que j’appellerais  » l’état de la conscience  » (p.79)

    J’ai cette intuition que ma libération de l’emprise sur moi de la dépendance affective, de ce vide qui me creuse et me mange le ventre de l’intérieur, que ce manque viscéral qui dépend de l’autre, que cette soif dans le désert, pourrait être abreuvée de cette pratique de création du lieu intérieur et de la désidentification. Qu’entre le féminin et le masculin qui m’habitent quelque chose de plus grand que la polarité m’appelle. Qu’au-delà du yin et du yang, du cœur et de l’esprit, un chaînon manquant cherche à relier des parties qui m’apparaissent aujourd’hui désunies. Que ces impressions dont je me suis nourri au bord de la Baie d’Hudson, que la nature, la musique, les sensations de mon corps, sont autant de lieux à intégrer comme n’étant plus l’extérieur, mais cette partie de moi qui ne cherche pas et qui est, tout simplement. Douce, chaleureuse et pleine.

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